Démarche de l'artiste

    
Tony Cragg, Photograph by Mark Ellidge
© British Council Archive


   Tony Cragg est avant tout un sculpteur. Ses oeuvres s’inscrivent dans le mouvement de la «Nouvelle Sculpture Anglaise», qui se développe pendant les années 1980. Des artistes tels que David Mach, Bill Woodrow, Jean Luc Vilmouth participent à ce mouvement. Ce mouvement est caractérisé par l’utilisation, dans leurs oeuvres, d’objets « de la vie quotidienne», d’objets ramassés et détournés de leur fonction première. Ces objets sont le matériaux de base de leur travail.






« There are two histories: one is the history of sculpture in the last 100 years, and then there's my history »



 Palette, 1985, objets divers en plastique
    Tony Cragg va commencer dès la fin des années 1970 à travailler avec des matériaux récupérés. Il réalise avec ce médium des installations, figuratives le plus souvent, dans des musées. ll explique, dans une interview issue de Artinfo et réalisée en 2007, que ce besoin de travailler avec des matériaux récupérés venait de l’influence de Marcel Duchamp (artiste contemporain français, inventeur du terme et de la notion de ready-made). «Plastic was a clean, new synthetic material for sculptors to work with it» L’utilisation de produits manufacturés, de «non art materials» était alors une nouveauté dans la sculpture, un domaine nouveau et inexploré. 


Choose your colours carefully , 1981, plastic, 110x200x50
Crédit photo : Verena Klüser
    L’artiste rapproche son système d’accumulation d’objets à une technique plus ancienne, la peinture. Il décrit son travail comme basé sur les mêmes principes que celle- ci, à savoir une accumulation de taches, de points. Car c’est une des caractéristiques des premières oeuvre de Tony Cragg : l’objet se perd dans la masse, jusqu’à ne devenir qu’un point, un élément d’un tout formant une composition. Tony Cragg, un peintre moderne?





« We just learnt to make things.»

Tony Cragg © British Council Archive
    Au début des années 1980, le travail de Tony Cragg va commencer à évoluer. Toujours dans le domaine de la sculpture, mais petit à petit, l’artiste va faire évoluer les matériaux avec lesquels il travaille. «Fatigué» de faire des installations, regrettant de ne pouvoir passer plus de temps sur chaque objet, il va se mettre à travailler en studio, en collaboration avec deux assistants; et il va réapprendre à " fabriquer des choses ".
    L’artiste se refuse à laisser faire par d’autres les objets qu’il pense; il veut les penser, mais aussi les réaliser. « That is what is really exciting about making this stuff—having the thinking process that’s going on parallel to the making.». Ainsi, tous les oeuvres réalisés par Tony Cragg le sont de sa main, car cet artiste, qui se considère avant tout comme un matérialiste, met au même niveau la pensée d’un projet et sa réalisation. C’est ainsi que les matériaux vont évoluer, revenant à des matières plus simples -nobles?-.


«We’re projecting something into the materia

Turbo, 1999, bronze, 170x170x170 cm

    Son but avoué est aujourd’hui de donner une vie, sinon une âme à la matière, en projetant sa pensée au travers de celle-ci : c’est pour cela que l’artiste doit accompagner tout le processus de création de l’oeuvre. Aujourd’hui, le travail de Tony Cragg se résume essentiellement à ça; modeler des formes, leur donner une essence, une vie, un sens. Il veut investir les pièces qu’il travaille du sens qui leur donne afin de le faire ressentir au spectateurs. Toujours d’après ses propos, la matière, le médium d’une sculpture doit s’effacer derrière le sens qu’a voulu lui donner l’artiste.


«Sculpture is a radical use of materials, a radical human activity. It’s eminently useless»

Can-Can, 2000, bronze, 90x130x230cm

    L’artiste se trouve aujourd’hui dans une recherche constante, une adéquation entre le matériaux, sa forme, et son sens. Si la matière en elle même ne possède aucun sens, c’est à l’artiste de lui donner une signification, de la modeler. Il confit que l’inutilité de la sculpture (dans le sens où elle n’a pas d’utilisation extérieur) lui donne une grande liberté dans la forme, liberté qui s’oppose aux objets manufacturés qui caractérisaient sont travail en début de carrière. 


«What is your favorite material?»

Red Figure, 2008, Photo : Charles Duprat

    Tout le travail de Cragg ne tourne qu’autour de la matière, de son utilisation dans la sculpture. Mais ce travail avec la matière est un jeu entre l’artiste et le spectateur, jouant sur ses perceptions, sa vision ; c’est une confrontation constante entre ce qu’investit l’artiste dans ses oeuvres et ce que lui apporte le regard du spectateur. Il le dit lui-même : «The most important material is our own brain».


Toutes les citations de ce texte sont extraites de l’interview de T.Cragg par R.Ayers pour Artinfo.com, mai 2007